L'empreinte et l'écho

Parfois l’écriture dépasse l’intention primitive, l’outrepasse même et attire celui qui écrit dans ce qu’il pressent soudain mais qu’il n’est pas en mesure de maintenir sous sa main, qui échappe alors à son contrôle, si bien que les fils patiemment distingués à l’arrière tirent vers l’avant, les chevaux se cabrent, le cavalier saute de sa monture qui poursuit, tout s’emmêle.
On y va alors à l’estime en se fiant à la trouée qu’on aperçoit à la traîne des bêtes qui secouent la tête en disparaissant dans les bois. Sans les perdre de vue, on soigne les arrières, là où les idées s’épaulent encore solidement les unes les autres, mais à l’avant les mots se mêlent et les fils se mettent en pelote, l’arrière va partir en charpille sauf que, au dernier moment, la trouée se retourne comme une poche, raperche les fils qui se sont rétractés, les tend et garantit ainsi une inespérée cohésion à l’ensemble: quelques mots sont tombés d’on ne sait où, ils assurent la nouvelle donne qui s’organise de l’avant vers l’arrière, noue de proche en proche ce que l’on ignore encore avec ce que l’on croyait savoir.
Tout se tend et ce qui devait se terminer en couronne d’épines ou en eau de boudin maintient, on ne sait comment, dans le creux d’une boucle étrange l’empreinte des sabots d’un cheval au galop qui a pris le large avec ses semblables et l’écho d’une clameur qui ne cesse pas.

Jean Prod’hom