Un détour par le ciel

Je cherche un chemin praticable à travers l’hétéroclite qui se renouvelle pour mon malheur à chaque instant sous mes pas: aucune ouverture, seulement du bleu, de la ferraille, du léger, du jaune, la fatigue, du rouge, de la monnaie, puis de la vapeur d’eau, un brouillon, quelques promesses, la crasse du clavier, une haie de thuyas, le lourd, le chaud, l’ennui, des containers, une branche du bouleau qui se balance, le silence, des raisins secs, la nuit, le chuintement d’une chasse d’eau, des horaires, deux nuages joufflus, l’inquiétude qui me saisit de ne pas être à la hauteur, le claquement des mocassins de Michel, un arc-en-ciel, l’après-midi, le soupir de ma voisine, les feuilles mortes, une bibliothèque, l’interminable,… Submergé.
Pas de répit, je le dois, j’insiste, je survis, aucune raison que ça ne s’arrête, damné, je n’en ferai donc pas façon.
J’aperçois soudain l’ouverture qui me guettait du coeur de cette grande décharge qu’est le monde, elle est comme celle du sous-bois dans laquelle disparaît le merle des Censières. Je le suis, m’envole et surplombe l’hétéroclite qui s’apparie morceau par morceau. Je ne distingue bientôt plus les coutures des pièces éparses du puzzle mais un nouveau chemin que je rejoins, saute du sommet de la haie à la branche du bouleau en jetant un coup d’oeil du côté d’une salle presque vide où j’aperçois les yeux heureux d’un homme qui rit de mes cabrioles. J’en rajoute un peu, saute du coq à l’âne, froisse les feuilles mortes, monte sur le dos de l’arc-en-ciel. Il rit, lance quelques raisins secs par la fenêtre, je l’ai raccommodé avec l’hétéroclite.

Jean Prod’hom