Dimanche 13 décembre 2009



Les enfants dormaient le nez collé aux fenêtres, biscômes, briques rouges et façades de contes de fées, pignons, rêves et colombages, la brume se la jouait coquette en dansant sous les réverbères. C’était comme on l’avait toujours raconté mais fallait pas se tromper. Ça crachinait jusque dans les coins et les chiens pissaient aux devantures des magasins. Les deux miséreux à l’angle de l’église s’enlisaient, effrayés par les employés du commerce mondial qui allaient et venaient en fumant comme des locomotives, tête baissée, poursuivis par leurs dettes, ça ne traînait pas, ils opinaient en secouant leurs mains, ils soupesaient leur avenir caché au fond de leurs poches. Tintaient parfois quelques sous, alors ils payaient à gauche encaissaient à droite, opinaient encore pour faire bon poids. L’eau ne coulait plus dans la fontaine, les pavés de la place serraient les dents, les enseignes de carnaval avaient été soldées et les saucisses noircissaient sur le grill. La nuit, si noire que plus personne ne la voyait, avalait la brume qui s’était enroulée aux réverbères. Pas de pardon cette année-là, ni répit ni trêve, l’avenir était sombre, Niendorf était à l’avant-garde.

Jean Prod’hom