L’abri


La nuit prend si vite ses quartiers le soir que les hommes se retirent promptement, fanfarons parfois, sur les îles qu’ils ont aménagées le jour. Depuis le temps la débandade est organisée.
La nuit ne laisse rien au hasard et s’insinue partout. Seul le ciel noir mité comme une feuille de millepertuis clignote de toutes parts, c’est qu’une fête se déroule là-bas, au-delà des Sablonnières. Plus rien n’est à craindre ici, les maisons sont calfeutrées et derrière leurs paupières les hommes s’abandonnent confiants à ce qui ne se voit pas. Dehors l’obscurité accroupie sur le seuil attend sagement, les écorces enlacent le coeur des grands échassiers qui sommeillent les yeux grand ouverts.
Demain à midi, lorsque la nuit ne sera qu’une ombre, je jetterai un coup d’oeil du côté du couchant et me réjouirai du soir, lorsque la nuit tombe à verse.

Jean Prod’hom