Dimanche 11 avril 2010



Un bout de haie maigre sous le soleil en haut du talus qui borde la route des Chênes, à deux pas de Vers Chez les Porchet: quelques fines tiges de noisetiers sous des frênes, et des ronces, un bouleau aussi, décapité et manchot. Je m’agite, n’ai-je pas d’autres choses à faire? des choses plus sérieuses? La raison pique du nez, je fais demi-tour et grimpe sur le talus. Avec une légère appréhension, faudra-t-il attendre encore?
Je tâte la terre et m’y assieds pour la première fois cette année, j’aperçois de plus près les jeunes ronces que se partagent équitablement les bourgeons neufs et les piquants acérés. Le dispositif est sommaire mais il me protège de la bise. Nulle traîtrise, la terre est sèche, meuble, chaude, des promesses et du bonheur. Tout autour le lierre résistant, vert, luisant, et les reliefs de l’année dernière dont la neige, le froid et la pluie ne sont pas venus à bout: les brindilles se cassent comme des allumettes, les feuilles mortes s’émiettent comme du tabac. Trop de soleil pour accueillir les crocus, les pervenches ou les anémones, la haie est grise.
Je tâte la terre et m’y couche pour la première fois cette année, j’aperçois en haut les branches innombrables d’un chandelier, c’est un long frêne qui ondule sous la bise, mèches encore éteintes. J’entends à côté de moi un froissement ténu, c’est une coccinelle à la tâche, elle a bien six ans d’âge, mais on n’est décidément pas aux mêmes dimensions, j’ai beau m’approcher, lui prêter mon assistance pour franchir les innombrables obstacles, elle m’ignore. Impossible de la comprendre, sa paire de lunettes jaunes semblent lui suffire dans l’obscurité. Je m’acharne, continue mes observations idiotes, elle s’obstine elle aussi avant de s’envoler.
Je somnole, est-il bien raisonnable de rester là couché à ne rien faire? continuer? mais continuer quoi et m’en aller où? Me voici soudain ramené au rang de la bestiole: que faire dans cette obscurité qui semble me satisfaire et dans laquelle je m’endors? Et qui est prêt à me donner un coup de main?
Sans savoir comment, me voilà debout, le long du pré qui descend jusqu’au bois. Je cherche sans y croire les deux ou trois morilles que j’ai vues il y a quelques jours dans les mains du Grignanais près du Lez. Mais n’y crois pas, pas la tête à ça, mais la tête à quoi, la tête à rien. Je continue ma promenade, il n’y a bientôt plus rien, du gui qui colonise les vergers et moi en trop. Et soudain, sans savoir exactement comment ni pourquoi, je rejoins la coccinelle qui avait pris une grosse avance sur moi, je m’envole, pour rien, là-bas, sur les hauts de Mézières et de Ferlens.

Jean Prod’hom