A l'aube

Là-bas
dans l’étroite bande de terre
qui borde l’océan
les premiers hommes
dessinent
dans le sable
quoi
ils ne savent pas le dire

ils tranchent à même le temps
deux morceaux
ce qui fait trois
deux monstres et un fantôme
dans le ciel
les prophéties s’amoncellent

ils font tout
pour rabouter les chemins sectionnés
pour rameuter les bois
recoller la tête du condamné
raccommoder les cours d’eau
ils y vont au courage
la tâche est sans fin

chemins mal raboutés
cavernes lacs et montagnes
noeuds du monde
accidents des interminables travaux
au cours desquels
nous sommes nés pour la seconde fois

issus d’une trame
plus ancienne
sur laquelle on ne revient pas
ils font et tissent ensemble
ce qu’ils ont séparé

au confluent
parfois pourtant
des esprits éclairés
aperçoivent derrière la brume
un frémissement
la lumière et l’ombre
ils se souviennent
du temps sans personne
où nous étions de n’être pas
et leur voix tremble

Jean Prod’hom