Journée sans

Que dire de ces journées que l’on pousse devant soi avec ceux de son espèce dedans et qui s’achèvent enfin lorsque la grille de l’atelier grince? Rien sinon qu’on est soulagé. On ne dispose pourtant d’aucune poignée d’épluchures à lancer dans la basse-cour, pas même des cris d’un fou qui ricocheraient contre les fûts des bois noirs.

Les nuages de basse altitude déguerpissent. Ceux du haut s’embrasent et les sapins de la crête du bois Vuacoz plient.

Tout au long de la nuit un petit homme famélique surveille l’entrée d’une cathédrale. Il va vomir continûment au pied d’un lampadaire pisseux dressé au centre d’un carrefour désert. Un peu plus loin, deux grosses femmes au dos nu tatoué grimacent à l’entrée d’un bâtiment en ruine, elles fument pour combattre le froid de l’hiver qui a rongé le peu de volonté qui leur reste, elles grimacent, elles ricanent, elles racontent à tour de rôle la même sale histoire. Dans la cour au bitume fissuré, des enfants amaigris, orphelins – cela se voit – crient. Quelques-uns essaient, sans succès, de s’arracher des griffes d’une bête immonde qui ronge leurs mains. D’autres – adolescents plutôt – dansent autour d’un monument aux morts en béton décrépi, ils se passent un objet incandescent qui fait saigner leurs mains et leur arrache la peau. Tout ce joli monde finit par me regarder en souriant.

Jean Prod’hom