Dimanche 20 février 2011

C’est le dernier jour de la neuvième édition d’Accrochage, exposition annuelle que le Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne consacre à la fine fleur de la scène artistique vaudoise contemporaine, présentation d’œuvres récentes d’artistes de différentes générations sélectionnées sur libre présentation par un jury de professionnels. Je m’y rends avec Arthur quelques heures avant que ne retombe le rideau et qu’on place dans la nuit de quelque cave (ou les dépôts de nos généreuses banques), ce qui brilla un instant aux cimaises.
Je ne m’y retrouve pas… mais avoue que, en ce domaine, je ne connais rien, ni les sauts de loup ni les chicanes qui contraignent les artistes à se dépasser bien au-delà de ce que le Béotien que je suis est capable d’imaginer. J’admets donc volontiers que chacun des travaux présentés ici n’est que la pointe d’un iceberg dont je ne vois pas le ventre immergé. Car l’avenir est certainement radieux et Arthur met tout plein de bonne volonté.
Il me faut toutefois tenir à bonne distance l’ex falso sequitur quodlibet que me souffle un mauvais génie, prendre garde à ne pas rejoindre les grognons aigres des zones critiques qui ne se lassent pas de jeter le discrédit et les moqueries les plus triviales sur les travaux de ceux qui cherchent – sans toujours trouver – des issues à la boîte de Pandore dans laquelle ils sont enfermés, bref, tenir à bonne distance la superbe pleine de fatuité des professionnels de la critique et le gros dégoût.



Restent quelques odeurs, le bruit de vieux tram d’un vieux carrousel à dias qui projette le passé sur l’écran de l’avenir et le souvenir d’une ligne continue, noire, fixée au sol à soixante centimètres des murs sur lesquels sont exposées les merveilles. Une ligne qu’il ne faut pas franchir, scotch noir tiré à la va-vite.
Interdit de photographier le travail des artistes, précise une employée du musée lorsqu’elle me voit prendre mon appareil. Mais la ligne? la ligne noire? Interdit aussi, droits d’auteur obligent. La ligne fait-elle partie des travaux présentés? La dame n’en est pas sûre mais ne fléchit pas, moi non plus. Est-ce une représentation de l’infranchissable, une esthétisation de la clôture religieuse, un jubé de notre temps? Je ne peux m’y faire, elle réfléchit encore, cherche avec sérieux une issue. Elle me propose enfin de rejoindre l’entrée du musée, de prendre contact avec le responsable de l’exposition qui est dans le vestibule. Il m’informera et lui communiquera par téléphone sa réponse. Je pourrai alors la rejoindre et, sous sa surveillance, photographier cette ligne interdite.
Elle a tourné le dos, je n’attendrai pas. Bandit! souffle Arthur. On s’enfuit.


Jenny Baumat, Sans titre, Pliages papier noir-blanc, 24 20 x 14 cm

Jean Prod’hom