Celui qui nous précède

Ne pas faire long, raccourcir même, pour ne laisser à la fin qu’une phrase, un souvenir, celui de cette figure qui nous conduit parfois jusqu’à l’ombre silencieuse des impasses noires, l’avenir, que nous croyons dompter d’abord, dans les rêts duquel nous nous débattons ensuite avant de tenter, ultime recours, d’indignes négociations, en désespoir de cause on se retourne, poches vides et mains nues, à deux pas de l’épuisement, on sort la tête à l’air libre, ciel bleu, allégé, on suit respectueusement le chemin qui s’éloigne un instant dans le bois, on débouche dans la lumière au-dessus des Tailles, avec les montagnes nues et la terre qui respire à peine, sachant que tout cela ne nous a rien apporté, sinon un bref répit qui nous aura délivré un court instant des vains combats, aux bord des pleurs qui baignent la margelle du monde, mais aussi des livres et des incessants bavardages, juste un moment, dans le monde immobile, là devant et la fin de la journée toute à nous qui penche vers la nuit.

Jean Prod’hom