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Une des solides vertus de l’écriture fragmentaire quand elle se fait résolument brève, plus brève encore qu’elle ne le devrait, lorsqu’elle a soulevé le couvercle du ciel et qu’à la fin elle se tait, c’est de ne pas tenir en laisse son lecteur. A la condition toutefois de n’emprisonner en son sein ni énigme ni secret – ou pire qu’elle le feigne – et qu’elle n’use d’aucune de ces boucles qui font revenir le lecteur bienveillant au commencement par un da capo de convenance. C’est la force discrète de le chasser loin d’elle, comme quand le maître, assuré enfin que seule son absence libère l’élève, peint le vol d’une hirondelle dont la disparition accapare un instant celui qui dans son dos attend, avant de l’abandonner à un silence qui le condamne à prendre l’air et à pousser sa vie plus avant. Loin de moi pourtant la condamnation de l’autre scène, celle du mirage qui tient captif le lecteur, l’autre écriture sans laquelle nous serions tous occupés à tenter d’attraper l’inconnu qui se cache derrière le miroir.

Jean Prod’hom