Eclairer le ventre de la nuit

Elle me dit alors qu’une seule ambition l’habitait encore, celle d’allumer les modestes feux qui éclaireront demain, peut-être un peu, le ventre de la nuit, celle d’y avancer sans avoir été l’obligée de personne, comme nous le faisions autrefois, Michel, François et moi sur le gué que nous établissions par-dessus l’été, celle de fournir une ancre aux récits dont nous sommes les passants hébétés. La nuit se refermait à chaque pas derrière elle et l’océan demeurait inentamé à l’avant de sa coque. Elle naviguait avec l’assurance qu’elle buterait un jour contre un de ces hauts-fonds cachés dans la nuit – qui sont autant d’appels – et sur lesquels l’un de ses proches, elle l’espérait, aurait à préparer le feu qu’un autre allumerait pour éclairer ceux qui viendront après nous.

Jean Prod’hom