Laver cette coulée de boue

Bien peu d’humeurs résistent aux noces visqueuses du noir et du blanc. Elles y succombent pourtant lorsqu’elles entendent le bruit étouffé du bâton dans les cendres, en prenant un air pâle, tandis que les glaires du brouillard et les grands corbeaux vont à lents coups d’ailes semer leur poison ailleurs. Puits et tombes profanés, entonnoirs sans mémoire, c’est une peau morte qui double le ciel et tapisse nos palais, blanche et froide comme une tripe. Tout, il manque soudain tout, et d’un coup. Où est celui qui lavera cette coulée de boue et nous convaincra qu’un suaire ça s’égoutte et qu’une poche déchirée ça se ravale ?


Aux margelles des fourrés brûlés, les merles ont assuré la permanence et sifflent les mesures d’urgence. Les corps laiteux des bouleaux s’étirent hors du bitume. Une silhouette suivie d’une ombre indécise passe la lisière de cette veillée funèbre. Revient l’heure des pâmoisons : les idées sèchent, on s’amollit au feu profond. Oh ça oui, et sans aller jusqu’en Corse. Il est temps encore de prendre le chemin en marche, de suivre les signes qui tombent du ciel, le jaune des citrons, l’orange des sorbiers, le vin sur la treille, le lierre, le gui, les mousses dans la rivière et la rouille du hêtre. Les fruits se hâtent de remonter sur l’arbre, la vieille de Pra Massin fait une lessive, les poules rattrapent le temps perdu, Au printemps on repeindra les volets. N’est-ce pas ? Et tu réponds : peut-être.




Jean Prod’hom