Les enfants se réveillent

Les enfants se réveillent les uns après les autres et les conversations prennent du volume minute après minute, Édouard est assis sur un fauteuil à côté de la cheminée et lit, Françoise dort encore. Le ciel est bleu, mais très vite des nuages recouvrent la plaine du Rhône. J’entends Sandra raconter en bas la destruction de ses quatre colonies d’abeilles, expliquer le fonctionnement des ruches, la fonction des reines, le rôle des ouvrières. Je les rejoins, puis descends à la coopérative avec les enfants sur leur trottinette : pas d’asperge, mais il y en aura dans l’après-midi. Les iris sont en fleurs sur la butte qui longe le chantier du futur lottissement, dans une zone inondable, prétendent les mauvaises langues, dix centimètres de terre végétale sur le rocher, pas plus.
Dans le village un vacancier repeint le portail de son garage, il a choisi la couleur des glycines. Je considère avec circonspection l’extension du complexe scolaire et le bétonnage des alentours : on viendra de loin pour apprendre ici à prêcher dans le désert.
Je monte à pied à Grignan avec Françoise et Arthur. Le mousse taille un roseau, François me raconte de quoi sont faites ses journées, je lui raconte les miennes, on imagine l’allure qu’elles pourraient avoir si on s’y prenait autrement. Les jeunes pousses des lavandes ont écarté les anciennes aux teintes bleues. Midi, Grignan somnole, des voix la réveillent par à-coups.
Terres d’écriture rassemblent jusqu’à fin mai les travaux autour du noir et du blanc. Je retiens celui de Fanny Viollet qui met en pelote quotidiennement les déchets de ses travaux de couture, qu’elle accompagne d’une petite étiquette sur laquelle sont inscrits les coordonnées temporelles de leur confection.
Nous prenons un café au pied l’immortelle Madame de Sévigné, avec Sandra et les filles qui nous ont rejoints en voiture.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée de prolonger ma vie en plein air, je redescends à Colonzelle à pied, sectionne avec mon opinel un vieux fil à sept brins de cuivre qui pend à un poteau électrique, un peu après le petit autel consacré à la vierge, je croise ces sept brins jusqu’au vieux pont, ramasse un vilain tesson sur la rive droite du Lez que je franchis par le le gué.
On reste autour de la table jusqu’à 22 heures.

Jean