Gérard Genette

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Louise sourit lorsque je lui souhaite un joyeux anniversaire, et ce sourire qui n’a pas toujours été si large au réveil me réconcilie avec les démons de l’histoire qui m’enjoignent de quitter la maison pour gagner mon pain. Yves vient ce soir, Arthur et Lili sont dans le secret, Louise l’ignore.

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Travaille ce matin successivement avec chacune des trois classes qui m’ont été attribuées au début de l’année, sans répit, avec le souci de leur faire entendre – trop souvent peut-être –, ce qu’on est en mesure de saisir de nos pouvoirs derrière les apparences. Non pas tant le comportement irrégulier de certains verbes en -dre ou la présence à l’écrit d’une lettre i inaudible, mais la faculté de surmonter ces difficultés en élaborant des outils ad hoc. Les connaissances positives engrangées à la fin de nos parcours scolaires occupent un si faible volume, souvenons-nous, qu’on se doit, chaque fois que cela est possible, et ça l’est toujours, de minimiser leur valeur et de réévaluer ce qu’on met en jeu pour surmonter les obstacles. Ce faisant, les derniers arrivés sont amenés à maîtriser non pas seulement tel usage particulier, telle idiotie héritée de leurs pères mais à entrevoir et saisir parfois ce qui appartient en propre à l’espèce.
Tire quelques photocopies des épreuves que je vais soumettre aux élèves ces prochains jours. Nous avons en effet mis en évidence des problèmes, nous les avons interrogés, pesé leur importance, nous avons élaboré des réponses ; une feuille blanche sur laquelle ils auraient eu à tout écrire aurait dû suffire, attestant par là que tout ce qui ne leur appartenait pas jusque-là  – les questions comme les réponses – leur appartient désormais.
On ne sait rien à moitié, on sait les choses toutes, mais avec la certitude que ça ne tient qu’à un fil, un fil qui nous permet de rentrer à la maison chaque soir après le travail. Ce que je fais à un peu plus de 13 heures.
Sandra à oublié le gâteau d’anniversaire à Lausanne, je descends le récupérer, passe dans une librairie. J’ai la curieuse impression que les livres de la rentrée dont on fait grand bruit datent de saisons passées. J’ai le sentiment de les avoir tous lus, sauf un, l’Apostille de Gérard Genette qui me tend les bras. Rien de tel pour rester éveillé que la lecture des textes de ce jeune homme de plus de 80 ans, un peu canaille, qui a entrepris après Bardadrac et Codicille un troisième tour du monde.
M’arrête à l’Hermitage à 16 heures 30, on y expose une cinquantaine de peintures, dessins, affiches d’Asger Jorn, tout semble avoir été fait, même quand c’est pour la première fois, dit et redit mais de dos, essaie de rattraper quelque chose qui me dépasse. À Sauvabelin il pleut, les canards et les oies ont déserté le lac et pataugent dans la pelouse, bois un café et goûte, avant de reprendre la route, une dernière apostille qui croque sous la dent.

Jean Prod’hom

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