C'est un temps d'oie

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C’est un temps d’oie propice à la sortie des champignons. La pluie fait des ronds de socières autour des foyards, les gouttières débordent. L’eau attend que les champignoneurs soient trempés jusqu’aux os, et rentrés, pour cesser, tout redevient silencieux.

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Il y a des jours qui se donnent tout entiers dès le réveil, ouverts sur tout et sur rien, avec pour seule promesse de ne pas nous fausser compagnie. Chacun d’eux est comme un grand cercle dans lequel il nous est offert d’aller en tous sens sans qu’on n’ait rien à achever puisque tout l’est, au pas, d’où les heures sont absentes et où tombe la pluie. On s’invente pour passer le temps des loisirs étriqués, des occupations qui n’engagent à rien, et lorsqu’on n’a plus rien à faire, lorsqu’on a emprunté toutes les allées et contre-allées, la nuit tombe. On s’avise qu’on a réussi à passer dedans désoeuvré ce qu’en d’autres circonstances et si souvent on passe naïf et à côté ou sourd et par-dessus. Le cercle s’écoule alors par le trop-plein, nous abandonne soulagé au seuil de quelque chose après quoi nous nous pressons et au-delà de quoi s’ouvre la nuit. C’est le second grand cercle auquel nous invite le sommeil, grand laminoir d’où sortent les barres profilées de nos rêves. Nous sommes les habitants d’une ellipse, sous la juridiction successive de deux foyers, celui du jour et celui de la nuit, chacun d’eux étire ce que l’autre rassemble, l’un est occupé par la terre, l’autre par rien.

Jean Prod’hom

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