Mon second film

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Rome, Villa Adriana, 1973

Depuis Remparts, le film que nous avions tourné Jacqueline S, Michel S et moi en 1974, je n’ai plus touché une caméra. C’était un film d’adolescents attardés, une adaptation d’une nouvelle de Gilles Anex parue dans Ecriture 9, l’histoire d’une jeune fille qui se souvient de je ne sais plus très bien quoi. De cette aventure me restent en mémoire, à côté de l’amitié, une journée dans l’enceinte des ruines du théâtre romain d’Avenches et de quelques journées de tournage dans une maison de maître sur les rives du Léman près de Nyon, le château de Promenthoux je crois. De Michel en équilibre sur le dos de la Dauphine filmant l’héroïne sur le point de franchir un fossé, du bras droite de la comédienne, qui allait en tous sens mais dont on ne s’était aperçu qu’au montage,…
Michel venait de passer son permis de conduire, et on roulait avec la Dauphine que lui avait refilé son grand-père. On avait notre matériel dans le coffre, pas grand chose, une caméra, un trépied et deux heures de pellicule super 8 que nous avait fournie un cousin de Michel, Ernest Ansorge, cinéaste d’animation.
Ce film dont plus personne heureusement ne possède de copie avait eu les honneurs de la télévision suisse romande, un samedi en fin d’après midi. Marie-Madeleine Brumagne, la femme de Freddy Buache recevait de jeunes cinéastes. Ce samedi-là Michel Rodde, qui a fait une belle carrière depuis, a été interrogé d’abord, on a parlé ensuite, on a répondu tant bien que mal, je préfère ne pas trop savoir quoi.
Depuis plus rien, silence ou presque, quelques images en 1975 et 1976 dans le cadre du cours assez déjanté de René Berger à l’Université de Lausanne, intitulé Esthétique et mass-média : Les Voyages de Bougainville avec Christophe C, La Prise de Phnom Penh par les Khmers rouges avec Denis A, Une journée bien ordinaire avec Yves T et Françoise V.
René Berger est mort, la Revue Ecriture n’existe plus, plus personne ne cherche des pellicules, le montage ne se fait plus au scotch. 
J’ai pourtant réalisé hier
un nouveau film. Film c’est peut-être beaucoup dire, Arthur dit que c’est plutôt un diaporama. Il a raison je crois, mais c’est un début. Il est constitué de deux photos réalisées le matin même avec mon iPhone lors d’une promenade avec Oscar : une partie de la façade orientale du château des Jaunins, volets clos, avec à sa droite le rural, la maison des fermiers et le nouvel hangar ; la façade occidentale ensuite et l’entrée au bout de l’allée près de la fontaine. J’ai enregistré l’après-midi des bruits, sur mon iPhone encore : des pas sur un chemin enneigé dans le bois entre les hauts de Montpreveyres et la Goille, l’eau de la Broye lorsqu’elle coule au creux de Châtillens, les cris et les rires dans l’enceinte de la petite patinoire que les autorités locales ont installée cet hiver près de la gare, des conversations au café de l’Union, trois des quatre coups des cloches du collège secondaire d’Oron.
J’ai terminé le montage à minuit après avoir résolu tant bien que mal les problèmes techniques. Ce film dure un peu moins d’une minute et demie, je ne pouvais guère faire mieux, ni plus. J’aurais voulu le dédier à Fernand Deligny, à Robert Flaherty ou à Jacques Tati, mais j’ai préféré me taire pour ne pas me couvrir de ridicule. Je trouve pourtant que l’enchaînement des deux images, entre la 25ème et la 35ème seconde, avec les cloches et les bruit de pas, est assez bien réussi, mais j’avoue que la fin laisse à désirer, tout cela tient à si peu.

Jean Prod’hom