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Maman a bataillé ferme 15 ans durant auprès des autorités communales pour nous éviter, à moi et à mes soeurs, le spectacle douloureux proposé quotidiennement par l’abattoir du village situé en face du collège. J’ai fait des pieds et des mains pour mettre fin aux activités douteuses du salon de massage qui a remplacé ce vénérable coupe-gorge. Ma fille voudrait aujourd’hui que ses enfants aient sous les yeux, lorsqu’elles sortent de l’école, autre chose que le désert.  

Le printemps peinait à s’établir, il neigeait. On n’y pouvait rien mais on usait de tous les moyens mis à notre disposition pour nous donner un peu de courage. Sitôt installés dans nos véhicules on mettait le chauffage à coin, on réglait le tableau de bord en langue italienne, on basculait l’indicateur de température sur les fahrenheit, on chantait O sole moi avec sous les yeux un 36 ou 37 degrés.

Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure, bégayait Mathieu ivre mort sur le seuil de la Dolce Vita. Il était minuit passé d’une grosse heure. Une heure treize, nota un quidam pour la postérité.

Jean Prod’hom