L'essaim

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Me demandais bien au retour du CHUV comment on allait cet après-midi récupérer l’essaim suspendu à une solide branche de l’un des cerisiers du verger de Marinette, un peu haut à mon goût. Il y avait bien les deux anciens qu’elle avait fait venir de Chavannes-sur-Moudon, mais il était exclu qu’ils montent sur l’échelle, ce n’est plus de leur âge. Je m’y collerai donc, ce n’était pas prévu, enfile la vareuse, les gants, le voile et un chapeau de cardinal.
André est apiculteur, il a perdu ses quinze ruches l’année dernière et marche avec une canne, il commente avec son compère, du pied du cerisier, mes faits et gestes. Je glisse une caissette sous l’essaim avant de secouer la branche. On espère que la reine sera du voyage, il se met à pleuvoir. Je remonte à deux reprises dans le cerisier, pour brosser le solde des ouvrières qui gainent la branche que je scie ensuite et qu’André place à côté de la ruchette, Il faut attendre, impossible de savoir si la reine aura suivi les ouvrières.
Marinette nous offre un café, il pleuvine, le plus petit de mes deux acolytes est un Duc, un paysan à la retraite d’un domaine dont son fils n’a pas voulu et qu’il a remis au fils du second. Le second c’est l’apiculteur, il s’appelle André, André Rossier de Villarzel, mais il n’y a jamais vécu. Serait-on toutefois cousins ? Mon grand-père et ma grand-mère maternels y sont nés en effet dans la dernière décennie du XIXème siècle.
On s’essaie à remonter le temps et à dessiner les branches d’un autre arbre, sans grand succès, personne pour tenir l’échelle. Son père, Louis, a épousé une Perret, mais pas de Perret, que je sache, du côté de ma famille. Pas de Bersier, Cachin, Coigny, Duc, Ducret, Gilléron, Joliquin, Mayor, Miéville, Morattel, Pichonnat, Pochon, Rubattel, Tenthorey, Trolliet ou Veyre du côté de la sienne.
Mais disons que l’apiculteur ne sait pas beaucoup de choses sur son village d’origine, ce qu’il sait c’est que son grand-père a épousé une Vingre et a quitté Villarzel autour des années 1870. Il a fait le charpentier à Cottens pendant plusieurs années avant qu’un accident ne le force à prendre un domaine en fermage du côté de Bremblens, que son fils Louis louera jusqu’à ce que les propriétaires décident, en 1964, de le récupérer. Louis Rossier fera alors l’acquisition d’un domaine sur la colline qui domine Moudon dont André s’occupera et que celui-ci remettra à son fils il y a quelques années.
Avant de quitter Marinette et les deux retraités, je jette un coup d’oeil à la ruchette, elle grésille comme une ligne à haute-tension sous la neige, on a peut-être réussi notre coup. A l’arrêt de bus personne, deux sacs d’école abandonnés sous la pluie. Mais Lili et Mylène sortent soudain du bois avec des secrets plein les yeux. A la maison Arthur malade dort. Quant à Louise, comme souvent lorsqu’elle a passé quelques heures au CHUV, elle fait trembler les murs de la maison.

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Jean Prod’hom