Etranglement de la durée

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Le battant de la cloche de l’ancienne école de la ville de Tramelan frappe les dix coups de dix heures à dix heures, suivis par les dix coups de l’église comme si, venus de loin, ils avaient mis du temps à venir jusque-là, à l’étage de l’hôtel de l’Union où les enfants dorment, silence.
Pas longtemps : un nouveau coup au quart, tout proche, il vient de l’école, deux à la demie, puis trois aux trois quarts. Il me reste quinze minutes pour m’endormir avant un da capo ma foi trop prévisible. Trop tard ! Tout recommence à onze heures avec un léger déplacement du chariot sur la droite, les onze coups de l’église répondent aux onze coups de l’école, et puis un coup au quart, deux à la demie, trois aux trois quarts. Rien ne suspendra cet étranglement du temps sinon le passage du train pour le Noirmont et le bruit de la porte qui claque derrière les derniers clients du restaurant.
Minuit sonne deux fois, une tourterelle turque se joint au concert : croche, noire, noire pointée, phrase de neuf, dix, onze ou douze mesures, puis silence de longueur équivalente, l’imagination fait le reste : un triangle pour souligner les minutes et les baguettes d’une caisse claire pour battre les secondes.
La nuit aura été trop courte pour que je m’assure des intentions de la tourterelle et de sa bonne foi. Mais coup de sac à l’aube, deux corneilles filent sur Délémont en criant leur rage, s’échappent comme deux condamnées à la perpétuité.

Jean Prod’hom