Ecrire n'est qu'un toucher

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La grue de l’entreprise de travaux publics montre le sud sans y croire vraiment, les nuages plus décidés filent vers le nord, lâchent soudain à la verticale le grain de la côte atlantique. J’ai repris aujourd’hui un à un les tessons placés dans de vieilles casses d’imprimerie. Brouettées ramenées du pied des brise-lames de Bretagne. Les ai déplacés dans le meuble Bisley bleu rapatrié en août, jeté la paperasserie qu’il contenait. Laisser venir, sans aller contre.

Ces pierres domestiques ont même origine que les mots nés des fosses, brassées dans la même eau. Les reprendre une à une pour faire entendre leur respiration, la leur et celle des doigts qui les pincent. Double respiration, double opacité, même chantier. Faire entendre la mer, retrouver les mains qui les ont laissé glisser. Quelques mots nus, limpides et fuyants. Rien à endiguer, rien à ajouter.

Ecrire n’est qu’un toucher.

Jean Prod’hom