Fond qui restera blanc

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Si nous acquérons des savoir-faire, rédigeons des mémoires, lisons des modes d’emploi, si nous assurons les mises à jour et les révisions de nos parcs techniques, c’est pour être suffisamment outillés lorsque viendra le moment de faire demi-tour pour remonter par les galeries du langage aux abords du bing bang, jusqu’à la chape de silence dans laquelle les fers de nos édifices et de nos institutions trouvent leur ancrage. Condamnés toutefois à reprendre la pelle et la pioche quand nos outils sophistiqués s’avèreront inutiles pour saisir l’état d’âme qui nous animait lorsque nous avons décroché il y a un million d’années. Comprendre un peu de ce qui s’est passé, de ce qu’on a laissé au carrefour sans nous retourner, la frondaison à laquelle nos chevelures se mêlaient, le ciel et la terre dont nous sommes faits, les êtres chétifs que nous sommes restés et que les bêtes fuyaient déjà. On n’a pas avancé d’un pas.

Fond qui restera blanc.

Le présent est sans aspérité, sans le moindre bord auquel s’arrimer. Mais les appendices du passé et de l’avenir, l’un plein à ras bord, l’autre aussi maigre qu’une peau de chagrin, ont permis de réduire notablement l’étendue du présent, avec en bruit de fond le tintamarre des orgues de la raison orchestré par le dieu des Horaces.

Jean Prod’hom