Pierres sèches

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On marche sur des chemins de terre dans la plaine des Basses Rouvières jusqu’aux Blaches, en empruntant des sections de l’ancienne voie ferrée. Sans bien concevoir le plan invisible qui unit les parcelles de vignes et de chênes, les plantations de pruniers, de pêchers et de lavande, bordées de murets souvent effondrés, de hauts murs parfois, miraculeusement conservés, déroulant leurs lignes irrégulières de pierres sèches, qui n’ont pas quitté la place que le maçon leur a attribuée naguère, une à une, épaule contre épaule, immobiles et singulières.

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Je rejoins en contrebas du sentier une dame et son chien qui viennent, me dit-elle, de Valréas. Elle me fait voir comment elle et son chien travaillent au milieu des chênes ; une petite pioche lui permet de terminer à la main le travail commencé par le museau de son chien, en soulevant ensemble la truffe et la motte de terre qui l’enrobe.
J’ai suivi un truffier il y a une vingtaine d’années entre Sénanque et Fontaines-de-Vaucluse, dans un vallon détruit par le feu. L’homme me précédait de quelques pas ; c’est l’odeur musquée, l’odeur de noisette qu’il laissait traîner derrière lui qui m’avait alerté. Si j’ai vite compris la méthode qu’utilisait le bonhomme, je n’ai pas saisi d’emblée pourquoi il empoignait avec une telle rage les jeunes pousses de pins qu’il arrachait comme de la mauvaise herbe. Il m’avait expliqué alors que cette incendie était en réalité un acte criminel, l’œuvre des sbires de l’Office national des Eaux et forêts qui préféraient la pousse rapide des pins à celle trop lente des chênes.
Si l’homme était un solide gaillard de L’Isle-sur-la-Sorgue, complétant son salaire de manoeuvre par l’élevage de la truffe, la donzelle de Valréas n’est pas née sous les mêmes auspices. Son mari est assureur, il lui a offert il y a quelques années cette chênaie avec un lagoto romagnolo. Ils viennent tous les deux sur leurs terres de Grignan du 15 novembre au 15 mars, trois fois par semaine. Elle porte un manteau de luxe, ses yeux sont bordés de rimmel et elle remue la terre avec des gants. Elle m’offre contre un sourire une miette de truffe.
Je croyais que cette histoire intéresserait ceux dont je m’étais décroché pour avoir les coudées franches, mais tout le monde a des histoires de truffes entendues à la radio ou vues à la télévision. On rentre en suivant le Lez, et je croise la libraire de Grignan chez laquelle j’ai trouvé hier quelques merveilles.

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Jean Prod’hom