Découper quelques motifs

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Cher Pierre,
Découper quelques motifs dans certains des morceaux de terre cuite n’est peut-être pas aussi idiot qu’il n’y paraît au premier abord. M’exécute sitôt que je suis debout. Envoie un mail à Anne-Hélène.

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Trie ensuite des photos aussi longtemps que mes yeux me le permettent. En mets 300 de côté. L’opération n’aura pas été inutile, mais il me semble que je n’ai fait, durant ces années, que répéter les mêmes photos, une quinzaine peut-être. Il faudrait maintenant que, pour chaque gruppetto, une photo s’impose et mène la danse. Je liste sans méthode ces têtes de variation : la lézarde de Terres d’écriture, le vase du MUDAC, le boeuf sur le mur de la remise, des laisses de mer, des tôles colorées ou le plat de tomates et d’aubergines, des andins ou des vagues, la flaque à la veste bleue, Louise au mariage de Yann, le chemin de traverse en direction de Ropraz, un détail du portail peint de la cathédrale, l’ouverture sur le Lez, les arrosoirs de Vulliens, les vieux morceaux de molasse de l’église du Mont, la maison éventrée de Charleroi, une lessive qui sèche, l’ombre d’Arthur… M’en restent un peu plus de 20 000 à trier, la moitié du boulot est faite.
Le brouillard ne se sera pas levé de la journée, les filles ont fait leurs devoirs, Louise s’est occupée des lessives. Le mois de mai est bientôt là, Sandra travaille d’arrache-pied à côté du poêle : menuise pour le premier volume du manuel de physique, grosserie pour le second.
Descends à la cuisine faire rôtir un poulet, peler des pommes de terre et rincer des fenouils. Demain c’est la reprise.
Je lis à Louise, avant qu’elle ne s’endorme, deux pages de son roman ; elle voudrait qu’on réitère l’opération demain. Lili me demande ensuite si je vais travailler ce soir à la bibliothèque. Elle m’explique que, dans le noir, elle écoute mes doigts sur le clavier, elle m’entend même, de temps en temps, monter les escaliers. Je n’y avais jamais pensé sous cet angle-là : on écrit parfois pour les autres autrement qu’on ne le croit.

Jean Prod’hom