Place de la Croix-Blanche (Epalinges)

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Donner en marchant
un rythme à sa lassitude
qui, bientôt, s’éloigne en trottinant.

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Le printemps hésitait à s’installer, l’hiver n’avait pourtant pas été rude ; on soupirait sur le seuil des maisons lorsque la neige était tombée pendant la nuit ; certains affirmaient que le merle n’avait pas chanté, d’autres qu’ils l’avaient entendu ; le printemps laissait voir en effet de curieux ratés, faisait – un jour sur deux – un pas en avant, la nuit suivante deux pas en arrière. Chacun s’impatientait sans le montrer, on avait beau ne pas y croire, quelque chose s’était peut-être enrayé. Personne n’osait l’affirmer, on craignait de retarder la venue des beaux jours en se plaignant, tandis que les traînes de l’hiver demeuraient aux lisières. Et soudain, ce dont on avait impatiemment guetté la venue est arrivé sans qu’on l’ait vu venir. Il a suffi de se retourner et de regarder.
Ce matin il fait jour lorsque je pars à la mine, les agneaux gambadent à la Marjolatte, les hirondelles virevoltent au Cheylard, les repousses des saules jaunes hirsutes balaient le ciel, les tout petits ont sorti cet après-midi leur casque et leur trottinette, les plus grands jouent au foot dans la cour du collège, Lili est dans le jardin avec Oscar, les portes restent ouvertes.
Le printemps c’est peut-être cela, cette inquiétude qui remue, ces propos contradictoires, ce mélange de précipitation et de patience ; la crainte que la nouvelle saison ne vienne pas d’un coup, partout et au même instant, et puis cet étonnement qu’elle soit déjà là alors qu’on croyait encore l’attendre.
Les signes de la belle saison sont ses retards, le soleil les éclairera bientôt tous ensemble, semés de couleurs et soudés par le vert, nous forçant à nous réfugier sous l’ombre du tilleul. On se plaindra alors, comme l’année dernière, de la chaleur à laquelle nous n’étions pas habitués et de la poussière sèche sur les chemins de terre.
Le printemps efface dans ses manières d’apparaître tous les repères, il nous amène à oublier et à recommencer, avec la crainte qu’un jour il pourrait, comme le soleil, ne pas revenir.

Jean Prod’hom