En appeler au Livre et aux sources

Ils sont nombreux à en appeler au Livre pour fonder leurs raisons, aux sources pour justifier leurs actes ; mais sont-ils allés dans la montagne, ne serait-ce qu’un seul jour, considérer la naissance d’une rivière? Sont-ils entrés, ne serait-ce qu’une seule fois, dans l’atelier où ferraille le philosophe pour faire tenir ses murs?
Curieusement ce sont les mêmes, intellectuels ou militants, qui répètent à satiété que l’origine se dérobe et qu’au fond, elle n’est qu’une vue de l’esprit. Les sources pourtant existent, mais elles ressemblent à un champ de bataille, aux marécages, à un pré labouré par une harde de sangliers.
Et chaque livre est un noeud, un carrefour, un échangeur, un incident topologique situé à égale distance de deltas de deltas; il est comme le goulet d’un sablier, une chicane, une clepsydre, une boule d’angoisse; il est un judas, un stent, un tamis; il est la mer, une île et un archipel; il est un seuil, un coup de force et un bassin de rétention; un condensé de pathétique qui s’ouvre et qui se ferme.
En appeler aux sources, pourquoi pas, mais en leurs lieux; ne pas en appeler au Livre, mais à tous les livres.

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