Ah! les coachs

Ils sont partout. Sur les plages, à la ville et à la campagne. Leur visage atteste de leur santé, bronzage d’animateurs de club de vacances et sourire d’assureur. Ils annoncent la couleur : Bien être et santéTerre du yogaChangement et prise de décision… Ils joignent à leur belle assurance un programme, le même : identifier, partager, accompagner, dépasser, améliorer, atteindre, retrouver. Ah! les coachs. Sur la page d’accueil de leur site, leur bureau ressemble à la salle d’attente d’un service de pédiatrie.

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Ils ont fait leur entrée hier après-midi dans mon école, ont lancé leur PowerPoint : cartographie du problème, discrétion, confidentialité, cadre sécurisé, analyses de pratiques, avec la promesse que personne ne sortira de leurs services les mains vides. Il y a toujours quelque chose à faire, c’est tant mieux, on en a besoin.
Ces coachs, aussi nombreux que les anges gardiens d’autrefois, n’ont pas raté le coche, l’offre fait la demande ; ils prêtent leurs oreilles pour trois fois rien, ne manqueront pas de soulager les peines de ceux qui recourront à leurs services, j’en suis convaincu et le concède. Mais leur distribution aux quatre coins de l’espace public et privé fait voir les effets du pragmatisme agité qui rythme nos vies, l’état du collectif dans lequel nous sommes plongés, la solitude de la mère, du père, des enfants et de tous ceux qu’on qualifie par antiphrase de professionnels.
Disons-le tout net : à moyen et long terme, ce n’est pas de coachs dont nous aurons besoin, mais d’idiots affranchis des idées reçues, mettant le doigt sur les habitudes qui nous viennent d’un temps révolu, lourdes et creuses, et qui pèsent sur l’air du temps. Ou d’étrangers de Perse, assez étrangers pour nous redonner à voir, comme Montesquieu le fit naguère, le ridicule de certains de nos gestes que l’on protège comme des sacrements, dans des prisons qui passent pour des lieux d’émancipation et d’éducation, mais qui nous maintiennent en réalité dans la glu, reproduisant toujours plus coûteusement notre attachement à ce que nous supposons savoir.
Si l’enfer et le paradis semblent s’éloigner, nous ne nous libérerons pas du purgatoire sans faire un pas de côté, un pas en arrière. Sans danser.