Pra Lederrey

eschiens

Eschiens | 17 heures

Grimés, maquillés, déguisés, comme les figurants d’un téléfilm, je ne les ai pas revus depuis trente ans. Les rideaux bientôt s’écartent, les plis et les taches brunes disparaissent avec le décompte des ans: ils sont vrais. Quelque chose se lève alors dans leurs yeux, quelque chose d’intact qui fait tache d’huile, s’étend sur leurs visages, avant d’envelopper leurs corps et ce qui les entoure. La voix enfin qui se glisse dans ce qu’on avait imparfaitement abordé jadis, puis abandonné; on balbutie, on bégaie, on cherche, comme on l’a toujours fait.

La somme des événements traversés par chacun se réduit à peau de chagrin, elle tient en un seul mot, le premier, celui que les circonstances nous ont amenés à prononcer un jour, porté bientôt par des voix reconnaissables entre toutes, et dans celles-ci une inflexion qui est comme un chiffre nu.

Un jour on se croise par hasard alors que nous n’existions pas. Un soir on se quitte. En dépit de nos manières de calculer le temps, de raconter des histoires, et de marcher, je crois repérer une symétrie imparfaite, sans axe. Confondus une île et un lac.