Lac des bouilleurs de chats

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Romanel / 15 heures

Prémices du printemps dimanche dans la vallée de la Trême, au bord du Léman lundi, sur les rives de la marre de Romanel aujourd’hui. Toutes les fenêtres sont au vert, celles des voitures et des cafés – on balaie les terrasses –, des cuisines et des chambres à coucher – on aère – , les duvets font le ventre rond sur les balcons et le linge sèche dans les jardinets. Les portes claquent, les branches nues des bouleaux font des traînées de gouache blanche dans le ciel bleu. Les avions qui filent sur Genève font un autre bruit, comme si, eux aussi, avaient laissé leurs fenêtres grandes ouvertes. Les moineaux piaillent dans les taillis, c’est midi toute la journée.
Les autorités de Romanel ont fait creuser en 1991 un bassin et planter quelques arbres pour le 700ème anniversaire de la fondation de la Confédération suisse; le gingko, le chêne et le saule pleureur ont pris de la hauteur; des uns aux autres deux pies font le joint, dans le vert de la pelouse une corneille butine. Elle s’envole bientôt au passage d’un cortège, c’est la première sortie des petits de la garderie; au signal de la responsable, ils se précipitent sur un banc, jamais plus de deux, attendent bouche bée, comme des grands, suivent le bal des quatre couples de colverts. Il n’y en a pas trop, dit une grand-mère à sa petite fille, essaie de les compter. Une vieille dame ronde jette des poignées de pain sec par-dessus la clôture qui protège les plus téméraires de la noyade.
Tout est beau, même les laideurs: l’école, le dépôt de la voirie, la maison communale; les deux sculptures, bleue et rouge, qui occupent les deux foyers de la cour ressemblent à des casse-tête. Un homme d’âge mûr s’est assis à l’extrémité de l’unique table du parc, un marque-page sur sa gauche et un crayon gris dans la main droite Seule énigme, que lit-il? Le savoir n’intéresse personne, ni lui ni moi.
Au stand de tir de Vernand, une femme tatouée me sert une verveine, motifs indiens sur le bras droite, longue phrase sur la jambe gauche, qui fait trois fois le tour de sa cuisse avant de se glisser plus haut, dans la chaleur de sa courte jupe. Je préfère là aussi ne rien savoir, ne pas lire; mais savoir que quelque chose tient une telle place dans sa vie adoucit son visage, que des rencontres et un travail ont endurci.