Jardin

Riau Graubon / 19 heures

Et me revenait aussi à l’esprit le souvenir d’un certain dimanche de mai où j’avais aperçu un gros oiseau touffu, encadré par une des hautes fenêtres ouvertes à deux battants par laquelle s’échappaient habituellement les effluves de l’encens qui me fait vomir, se détachant en gris sur la jeune et frissonnante verdure du marronnier que je voyais resplendir chaque jour sous les couleurs du soleil comme le flanc étincelant d’un vaisseau – tandis que moi, dans mon trou froid et sombre, pareil à une larve, je dépérissais – et avec quelle application furieuse, têtue, insensée, je m’étais efforcé de prêter l’oreille au chant qui montait en boule le long de sa gorge, défiant ainsi la force torrentielle d’un Magnificat crié à tue-tête par deux cents voix, et de quelle poignante façon, lorsqu’un silence religieux s’établit en bas comme un majestueux point d’orgue, l’oiseau fit entendre là-haut quelques vocalises pures, presque grêles, mais dont l’ironique désinvolture me causa cette ivresse qui est le désespoir absolu voisin du bonheur.

Louis-René des Forêts, Le Bavard

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