Avec Thierry Metz

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Reprends depuis quelques jours, à petites doses, les septante-sept textes écrits cet été entre Colonzelle et le Riau. En me demandant si je fais bien.
Maintiens, mais en les déplaçant quelquefois, les septante-sept fragments que j’ai retenus des lettres de Thierry Metz. En les écourtant parfois. Avec la certitude que ce qui a soutenu cette entreprise ne tient plus que par un fil à ces quelques mots indiqués en italique. Car si ceux-ci l’ont soutenue, ils en ont aussi différé l’accès. Je m’efforce maintenant de préserver, et c’est l’essentiel, l’étendue de ce que je ne saurais dire autrement, c’est-à-dire le silence sans lequel on n’entend rien, d’élaguer ce qui encombre, avec le risque qu’il ne reste plus grand chose à la fin.
J’aimerais encore, lorsque chacun de ces septante-sept morceaux tiendra debout, les filer d’un trait en m’assurant que l’ouverture creusée en chacun d’eux ait la dimension qui convient pour laisser passer une ficelle de chanvre brut, qui aura à creuser encore, de l’intérieur, le ciel d’un bivouac.

Jean Prod’hom

Qu’une inépuisable, inexorable absence

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A la fin plus rien n’est jouable. La pente est si raide qu’on n’essaie plus de remonter ses peines, en cet endroit où elles se mêlent à celles des autres, se réchauffent et cueillent les fruits de leur courage, celui d’avoir su remonter leur fardeau. Il dégringole les jours, plus bas encore que tout camp de base. Lui est devenu impossible de penser pouvoir un jour encore faire un avec lui-même, avec les autres et les alentours. Champs de chaume, hôtes anonymes, interminable allée de gravier.

Qu’une inépuisable, inexorable absence.

A force de retirer chaque mot superflu, il ne lui était resté que le silence.

Jean Prod’hom

Visage qui s'endort

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Le bruissement d’une aile multicolore avertit que le ciel n’est plus à l’abri, ça entre et ça sort. Un homme couché sur un bûcher se réveille, sans question ni réponse, ne sait quoi faire de son désarroi, sinon marcher et pousser devant lui encore un peu de cette lumière qu’il a portée. Je me réveille de mon côté à la lisière d’une châtaigneraie, à deux pas des vignes d’Entagnes, des coques sur la tête et des brins d’herbe sous la main.

Visage qui s’endort.

A l’aube l’alouette lance son chant, quelque chose s’émeut plus qu’à l’ordinaire, tu pianotes du bout des doigts quelques mots illisibles. Un immense chagrin descend la vallée. On ne dansera pas ce soir sur la place du village.

Jean Prod’hom