Châtillens / 14 heures
– Ne comprends-tu pas que les maîtres ont dramatisé le règlement en donnant à nos rapports avec eux qui se substituent à lui le caractère d’un conflit permanent? C’est aux maîtres qu’il faut obéir, c’est par eux qu’on se fait punir, c’est donc à eux qu’on sera tenté de désobéir pour leur permettre […] de « faire leur métier ». Résister sournoisement à leurs ordres, tromper leur surveillance afin d’encourir une juste punition, c’est rompre sans cesse avec la docilité satisfaite où nous risquerions de nous endormir, mais c’est aussi reconnaître la puissance invincible du règlement qui ne vit en nous que par la fréquence de nos délits. Et qui donc nous invite insidieusement à commettre ces délits, sinon les maîtres eux-mêmes par le rappel de nos devoirs comme par des sanctions dont ils nous menacent sans cesse?
Louis-René des Forêts, La Chambre des enfants