Crise de subsistance à la BNF

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Bonheur de tomber ce matin sur le site de la BNF, qui accueillait début 2013 Pierre Pachet et Claude Reichler dans le cadre d’une série de conférences sur l’histoire du climat, mises en ligne pour tout un chacun : « Les baromètres de l’âme » météorologie, journal intime et connaissance de soi. Pierre Pachet y évoque la première Rêverie de Rousseau avant de commenter le fragment 107 de la série 23 des papiers non classés de Pascal :
Le temps et mon humeur ont peu de liaison. J’ai mes brouillards on beau temps au-dedans de moi; le bien et le mal de mes affaires même y fait peu. Je m’efforce quelquefois de moi-même contre la fortune. La gloire la dompter me la fait dompter gaiement, au lieu je fais quelquefois le dégoûté dans la bonne fortune.
Non! dit Pascal, il n’y a pas de parallélisme des barométries du ciel et et du coeur.

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Claude Reichler évoque ensuite les changements – qu’annonce le fragment 107 – qui ont eu lieu au début du XIXème siècle dans la compréhension des relations entre les intempéries du coeur et celles du ciel, il s’en réfère à Maine de Biran pour qui l’homme est aussi imprévisible que le plus imprévisible des événements météorologiques, je suis nuage, tout échappe à ma pensée mobile, je suis un être ondoyant, divers et sans consistance, heureusement équipé d’un noyau durable qui me permet de juger des variations continuelles de mon être phénoménique.
Belle heure donc, qui en enfante une seconde lorsque je m’avise d’une autre conférence mise en ligne par la BNF, indiquée en marge et prononcée par Emmanuel Le Roy Ladurie, en conclusion de ce cycle intitulé Climat et météorologie. Nouvelle belle heure donc, curieuse, au cours de laquelle le vieil historien file allègrement l’histoire du climat du Moyen Âge à nos jours, sans notes en raison de sa vue déficiente.

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Rien de bien nouveau depuis 1315, dit en substance Le Roy Ladurie, un peu désabusé, une succession d’événements météorologiques aux effets identiques jusqu’au milieu du XIXème siècle : crises de subsistance, famines ou disettes, manques de céréales surtout, qui sont à mettre en rapport avec les pluies excessives de certaines années, au printemps et en été, les gels insistants et continus de certains mois de janvier et février, sachant pourtant que le blé aime bien un petit coup de froid en hiver. Il y a aussi les échaudages, c’est-à-dire les sécheresses excessives, mais sans effets catastrophiques la plupart du temps. Il faudra attendre le XVIIème pour qu’une réelle politique du ravitaillement soit mise en place en France.
L’historien minimise la portée du petit âge glaciaire, le refroidissement n’a en effet jamais dépassé 0,6 degrés entre 1350 et 1846, tout juste une petite fraîcheur en plus. Quelles qu’aient été les variations profondes du climat, les crises de subsistance se sont succédé mais ont moins eu d’effets sur la mortalité de nos ancêtres que les guerres, celle de Cent Ans par exemple ou la grande et les petites pestes.
Cette succession de crises, Le Roy Ladurie ne s’en souvient plus précisément, elles finissent par l’ennuyer, elles se répètent, il aimerait écourter sa conférence. Il est bientôt midi, je l’aide donc en accélérant le défilement de l’enregistrement. Surgit alors une page sur laquelle on m’indique que trois conférences m’attendent encore sur la question du climat, à l’occasion desquelles onze hommes brillants se sont exprimés, le vertige me prend. Je cherche en haut de la page un peu d’aide pour en sortir au plus vite, je clique sottement sur l’onglet Conférences en ligne, une conférence sur Molière m’est proposée, Molière l’escroc, le maquereau et le vaurien, bougrement intéressant mais je ne veux pas pour l’instant m’enfoncer dans ce guêpier mais en sortir. Repère deux nouveaux onglets : Toutes les conférences et Dernières conférences. Clique imprudemment sur le second : 16 conférences, toutes plus intéressantes les unes que les autres. Me retire précipitamment, clique sur le premier : apparaissent les titres des cycles de conférences classées par intervenant, par thème ou par date, des centaines de conférences passionnantes datant pour les plus anciennes de 2001. Me sens pris, comme obligé si je ne prends garde de camper à la BNF et de sortir hors de la fosse à bitume, une à une, chacune de ces conférences, il y a de quoi faire.
Mais il est midi, malheur à moi si je suis pris. Je presse sur la touche tout à droite du clavier, celle qui m’a sauvé plus d’une fois, je compte jusqu’à sept pour m’échapper de ce piège. J’entends alors du bruit dans le jardin, c’est Arthur qui passe la tondeuse, je le rejoins pour m’attaquer à d’autres oeuvres, basses et utiles, qui se répètent sans s’empiler, désherber les plates-bandes comme les jardiniers à la BNF, pour m’alléger et alléger mes jours, recommencer à zéro.

Jean Prod’hom