Evaluer la santé et la vitalité d’une institution

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Cher Pierre,
S’il est correct d’évaluer la santé et la vitalité d’une institution à ses capacités de ne pas exclure les plus faibles de ses éléments, l’établissement dans lequel je travaille est sur la bonne voie.

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C’est ce que je me suis dit cet après-midi en voyant dans une salle de dégagement, la porte vitrée grand ouverte, ensemble le doyen accaparé par ses tâches et un gamin de quatorze ans dormant profondément à la table voisine, son manuel de français en guise d’oreiller et le soleil pour le réchauffer.
J’ai cru distinguer dans les sourires échangés par certains d’entre nous une espèce de satisfaction, celle d’avoir été capable de laisser la priorité au bon sens, d’avoir eu le courage d’ignorer la logique institutionnelle et d’accepter nos limites, faisant voir à qui ouvre les yeux que l’école constitue, dans une société spécialisée dans l’aménagement des aires de repos et de dépose, le dernier des refuges.
Il me faut boucler avant 16 heures la journée et la semaine, je repars en effet lundi prochain pour Crans-Montana, cherche l’efficacité à outrance. C’est d’ailleurs ce qu’on devrait enseigner dès le premier âge, apprendre à mettre en oeuvre un minimum d’efforts pour un maximum de résultats, ne recourir qu’à des bouts de chandelle pour donner à voir l’essentiel, bref retrouver l’idéal des Lumières et des poètes.
Me lance à 16 heures 30 dans la valse du jeudi : Riau, Ropraz, Thierrens, Ropraz Riau. La musique s’arrête à 20 heures devant un vacherin et des pommes de terre en robe des champs. Chacun remonte ensuite dans sa chambre ; Louise m’appelle pour lui lire le trentième et dernier chapitre du livre qu’elle a commencé en début de semaine :
Devant moi, sur le chemin, gît une petite plume blanche, aussi douce et pure que si elle était tombée des ailes d’un ange. je la ramasse en souriant, puis je rentre dans la maison. (Aux Délices des anges)
Je fais un saut au jardin, cherche la lune ; elle était au-dessus des Gibloux à 7 heures, de la Dent de Lys à 8 ; la voilà à 10 au sommet de l’un des deux chênes du jardin. Elle demeurera, décidément, l’être le plus imprévisible que je connaisse.

Jean Prod’hom