Le camp de base est installé

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Cher Pierre,
La nervosité est palpable. Le surplus de travail lié à l’inauguration des nouveaux bâtiments, le spectacle des petits, les jeux de pouvoir des grands, la rétention des informations d’un côté, leur dispersion de l’autre y ont chacun et chacune leur part. Ce qui ne m’empêche pas de boucler les affaires courantes, de négocier très précisément avec les élèves ce qu’ils auront à faire pendant mon absence ; ils ne semblent pas mécontents de me voir tourner les talons, assez satisfaits, je crois, de montrer ce qu’ils sont capables de faire seuls.

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Je fais un tirage des papiers pour Grignan – mon vieil ipad pourrait lâcher – et remonte au Riau ; les portes sont grandes ouvertes, Oscar entre et sort à sa guise. Oh! les beaux jours.
Sandra est d’accord de rédiger l’article sur les championnats du monde de trial que Jean-Daniel m’a demandé d’écrire. Cette femme est une perle, elle sait tout faire, efficacement, sans jamais se départir de son sourire – ou presque –, si pleine d’attentions que je me demande si je la mérite.
France Inter m’accompagne une partie du voyage et double mes songeries, qui s’échappent dans la campagne que l’autouroute traverse comme une fermeture-éclair, vieille, usagée, une fermeture-éclair qui ne fermerait plus. Pas le droit de m’arrêter sur la bande d’urgence, pas le temps de faire halte sur une aire de repos, alors je les laisse filer. Elles ne sont pas perdues, je les retrouverai peut-être. Mais à considérer la célérité avec laquelle elles disparaissent, je prends conscience qu’elles sont toujours plus brèves, toujours plus volatiles, comme si leur grain s’amenuisait davantage, si bien que les grosses mailles du filet que je leur tends ne parviennent plus à les retenir assez longtemps. Impossible de les saisir.
Je fais une halte à Crest, sur un banc devant l’église, place Général de Gaulle ; les cloches sonnent curieusement 19 heures : trois fois trois coups, puis à la volée. La place est vide, 23 degrés s’affichent à l’enseigne du pharmacien. Je dévore une quiche lorraine et une tartelette aux myrtilles, trois morses pour la première, deux pour la seconde. Je bois un coca au café de Paris, anciennement café Peyrot dont on voit une ancienne photo au-dessus du bar.
Sandra m’a envoyé un message, elle me raconte qu’il y a le feu au Riau, la mère d’une camarade de Lili l’a avertie en effet que des poux dansent sur la tête de sa fille. Il faut choisir les armes, chimiques ou naturelles. Sandra a décidé que la guerre sera chimique. Elle m’écrit en préparant une pizza et en faisant une lessive, en résolvant quelques équations et en rédigeant l’article qu’a demandé Jean-Daniel ; elle n’a pas de temps à perdre, Arthur l’attend à l’arrêt de bus. Et moi qui suis là, au café, un café que je vais devoir quitter, le patron ferme. Je lui envoie des lauriers, elle m’envoie un baiser.
Le jour baisse et je rate la croisée de la Bégude-de-Mazenc. Je parviens enfin à rejoindre Espeluche, monte un col sans nom avant de redescendre à Salles-sous-Bois. Edouard et Françoise m’invitent à leur table qu’ils ont dressée sur la terrasse. Le camp de base est installé, les grandes manoeuvres peuvent commencer.

Jean Prod’hom

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