Nous avons été faits au feu

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Nous avons été faits au feu, placés depuis que nous sommes enfants parmi les perdants ou les gagnants, ballotés sans solution tierce, on dit système.

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Parfois, quelques têtes brûlées se mettent hors jeu, elles le font savoir et font feu de tout bois : plus de règle, de tiers-exclu, tous les coups sont permis. Elles embarquent dans leur sillage le plateau de jeu lui-même qu’elles jettent par-dessus bord ; il nous faudra renoncer désormais aux jeux de dés ou à ceux de l’échelle ; plus de hasard ni de coups de main, mais une succession de cases noires.
Les hommes pleurent, quelque chose saigne ; les criminels sont sans visage, on a beau chercher, ils sont morts, avec la seule intention de laisser la place à la terreur ; elle guette, prête à circuler à nouveau, à régner sans toucher à rien, sans reprendre son souffle, avec cette manière bien à elle de décliner l’être : méfiance et soupçon, pots de vin et collaboration, on connaît ça. Voici la terreur toute nue, celle qui corrompt le langage, portée à son comble, pure volonté de nuire, de mourir, de ne plus en découdre avec ce qui résiste.
Que dire donc sinon l’épouvante qui rend muet ? Rien sinon un peu de ce rien qui reste en dormance à côté du lieu où nous sommes, où qu’on soit, en juillet ou en août, entre les pavés ou sur la place des villages déserts, derrière les volets clos ou à la lisière des bois, un peu de ce rien qu’il nous faut nommer, nommer encore, sans vacances ni jours fériés.

Jean Prod’hom