Le monde que je rejoins chaque matin

Le monde que je rejoins chaque matin ne m’a jamais fermé la porte au nez, je sors du lit pour y entrer depuis que je suis capable de me déplacer par mes propres moyens. Et ce sont, retrouvés à mon réveil, des morceaux de langage, récits brefs ou prescriptions, litanies ou ritournelles, qui donnent à mes balbutiements nocturnes la colonne vertébrale qui leur manque, et à moi, une identité et une existence objective.

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Comme si chaque matin je ne cessais de répéter l’expérience de ne pas être encore né, ou de l’être à peine, sans avoir été doté des attributs qui m’auraient permis d’aller plus loin. Ou, comme le dit Giorgio Agamben, comme si j’étais resté un enfant sans destin spécifique ni milieu déterminé, pris dans un monde qui me resterait étranger, abandonné sur le seuil, n’ayant rien d’autre à faire que de me mettre à son écoute et de confier au langage les marques d’une reconnaissance et les échos d’une ouverture.