Me demande sitôt réveillé comment je ferai la semaine prochaine à Berne pour tenir ma petite entreprise. Décide de différer jusqu’au soir cette inquiétude pour ne pas assombrir une journée qui ne le demande pas.
Par le velux, un convoi de nuages venant de l’ouest, des lambeaux plutôt, mêlés à de la cendre, étagés, sans qu’on sache vraiment s’il fuient ou vont de l’avant, eux ne se posent pas la question, commandés par l’unique désir d’être la où ils sont avec les autres, c’est en cela qu’ils sont mystérieux. On aperçoit parfois au milieu de cette agitation, derrière le rideau qui s’entrouvre, des morceaux de ciel bleu. Je remue les doigts, puis les bras, mon dos fort pris à parti hier entre Charmey et Vounetz répond à contretemps.
Quelques degrés se sont ajoutés à ceux d’hier dans la maison. On hésite à répéter aux filles, une dernière fois, de mettre une jaquette et des chaussettes au saut du lit. Quelques mouches se réveillent. Je me rendors avec le pressentiment que je ne verrai rien de cette matinée. Les filles nous appellent pour le déjeuner qu’elles ont préparé.
Les enfants travaillent une partie de l’après-midi pour l’école, Sandra avec les filles en-bas, Arthur seul dans sa chambre. Je crois bien qu’ils ne savent pas toujours ce qu’ils font et pourquoi ils le font. On aimerait bien parfois que ceux qui sont à l’origine de ces travaux réfléchissent avec eux.
Grande boucle dans la neige, par le sentier d’en-haut et le refuge de Corcelles. Dans le verger du Chauderonnet, un vieux pommier a versé. Je croise au retour Ch. qui me raconte : c’est la bise et la neige, le vieil arbre n’a pas supporté. Mais les vaches sont un peu responsables aussi, elles viennent pâturer à la belle saison et y frottent leurs flancs, ce sont des pommiers que le grand-père a plantés, ou l’arrière-grand-père. Le plus faible, recouvert de mousse et de lichen, a laissé ses racines dans la terre. Ils vont en planter un nouveau, mais il devront interdire aux vaches de pâturer. Ch. m’apprend qu’il va commencer une école en Valais dans laquelle on apprend les métiers de la terre.
Le temps s’est refermé sur le monde, temps d’huître encore, et pour confirmer cette image, le soleil apparaît pâle comme une perle derrière les nuages.
Je ramasse 4 oeufs au poulailler. A l’ouest, tout à l’ouest, les restes d’un immense incendie, braises lentement noircies par des fumées âcres. Il est temps de préparer ma semaine à Berne.
Jean