Faire le mort
Faire le mort lorsqu’il n’y a rien encore, ou presque rien. À l’aube, au réveil. Ne pas répondre à l’appel du jour ou des lointains, ne pas se mettre en route. Demeurer au plus près, ne pas tourner le dos à la rosée et aux naissances. Faire le mort encore, consciencieusement, exister.
Ne pas confier trop vite le temps qui nous est imparti à nos emplois, aux obstacles et aux chicanes qu’ils génèrent et auxquels notre raison, en leur donnant une pente et une direction, réduit trop souvent nos vies.
Par bonheur il y a le soir, il y a la nuit
John Nelson Darby
Cher Jean,
… Merci donc pour votre ouvrage. Il a jeté un peu de lumière sur cette figure pleine d’ombres qui a hanté mon adolescence et les premières années de ma vie d’adulte. Je crois pouvoir dire en effet, un peu grâce à vous, que le nom de John Nelson Darby aura été le signe de mes ralliements grégaires, le visage de mes craintes mais aussi l’index de ma paresse et de mon ignorance. Votre livre a eu le mérite de me faire mieux comprendre tout cela.
Mais je voudrais aussi vous remercier d’avoir fait revivre, en contrepoint, cet obscur pasteur vaudois du Piémont échoué dans la Drôme, Alexis Muston, figure à la fois de l’exil et de l’espérance. Il m’a donné du grain à moudre mais aussi et surtout un peu de courage, celui de vivre encore et de me réjouir. Il n’est jamais trop tard.
J’aurais aimé être avec vous mais la distance et surtout l’âge m’en empêchent. Je vous rejoindrai pourtant en pensées jeudi, dans la maison de Martin Luther King à Lausanne…
Cordialement.
O. Y.
Un jardin sans clôture
Jeudi 21 novembre 2024 | 19h00
Espace Martin Luther King
Rue Saint-Laurent 13 à Lausanne
Cher Monsieur,
Ce week-end, j’ai lu d’un trait « Élargir les seuils » et « Un jardin sans clôture ».
J’y ai été rendue attentive par Babel, le dimanche d’avant.
Est-ce parce que c’est une littérature suisse, de « chez nous », ou est-ce parce que nous sommes de la même génération, traversés par les mêmes exigences et, pour nous en échapper, la même poésie? Toujours est-il que je me suis sentie très proche et en résonance avec vos deux livres. Autant l’un que l’autre. Merci donc pour votre écriture, je lirai vos autres ouvrages.
Et si je vous écris aujourd’hui, c’est pour vous confirmer que ce « nous » auquel vous rêvez existe bel et bien, que ce groupe informel a une réalité, et que nous le constituons en écrivant et en lisant. Sans nous connaître. Tel l’invisible mycélium des champignons, qui relie, transforme et nourrit.
Je voudrais enfin que les mots que je vous adresse ce matin soient comme ce petit signe de la main, à la Muston, que s’échangent les deux inconnus dans le Lautaret, qui se quittent après avoir fait ensemble un petit bout de chemin, qui auraient pu être amis mais qui ne se reverront jamais.
Je vous envoie mes bons messages des Préalpes bernoises où j’habite en ermite depuis plus de dix ans. Ci-joint une des cartes postales que je peins, c’est mon écriture à moi.
Amitiés.
C. T.
Bonjour,
Merci de vous être lancé dans l’histoire de ce personnage complexe et marquant. Merci aussi de la découverte d’Alexis Muston.
Merci d’avoir osé affronter cette figure, John Nelson Darby, sur laquelle pèsent des préjugés, des non-dits et des mises à distance satisfaites, qui sont toujours le fait de celles et de ceux qui se prétendent du bon côté et feignent d’avoir compris. Vous avancez dans votre histoire, celle qui est aussi devenue un peu la mienne depuis que je suis pasteur dans une église où plusieurs fidèles ont fait partie de l’Assemblée des frères. L’exercice est éminemment exigeant et pourtant vous l’engagez.
Vous passez avec élégance dans les méandres d’une histoire à la fois individuelle et collective. Parfois, on s’y perd, on se méprend, on s’enlise dans d’interminables querelles, futiles et porteuses de souffrances. Votre écriture en permet l’immersion, on devine l’amertume laissée en bouche et dans les corps.
Lire, relire donc, essayer de réécrire sa propre histoire et se rendre compte des traces qui restent tenaces, comme l’impression, en vous lisant, qu’une division essentielle travaille en filigrane le portrait de ces deux figures antagonistes.
Merci pour ces premières pages sur le «nous», ce «nous» dynamisant et toujours fugace. Ce «nous» envoûtant comme un dimanche à la campagne. Elles sont inspirantes pour le pasteur que je suis, porté par ce «nous» envers et contre tout ai-je envie de dire! Voici donc quelques lignes, à la volée, en réponse à votre Jardin sans clôture.
Au plaisir!
E. S.