Rendez-vous ce matin avec Philippe Didion

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Rendez-vous ce matin avec Philippe Didion, loin de son aire, à Grillon où je me livre à mes premières et peut-être dernières observations d’une stèle levée en souvenir de la Grande Guerre, complétée par des inscriptions, provenant également de la seconde. Trente morts à l’occasion du premier grand charnier, trois à l’occasion du second. Je ne sais rien de l’histoire de ces édifices, ni de leur conception, mais j’imagine bien la tête de celui qui a trouvé le filon, un gars du format de ce loustic de Vieil, un pote de guerre à Blaise Cendrars qui s’était montré indispensable à l’arrière en mettant en ordre la collection d’un toubib à cinq galons, fourbissant des fusils, des casques, des écussons, des boutons d’uniforme, des plaques de ceinturon, munissant chaque objet d’une étiquette circonstanciée

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Le monument aux morts de Grillon est constitué d’un obélisque dans les cartouches duquel sont gravés les noms des morts de la Première Guerre, sur trois faces. Se dresse dans la quatrième cartouche une représentation de la République, ailée, armée et casquée. Cet obélisque est fixé sur un socle à 4 faces, la première porte une dédicace aux enfants de Grillon morts pour la France 1914-1918, la seconde une dédicace aux enfants de Grillon morts pour la France 1939-1945, la troisième une dédicace aux Français d’Outre-Mer morts pour la patrie. La quatrième demeure obstinément vide, on réparera cette faute de goùt un de ces jours prochains, on a laissé d’ailleurs tout autour des fusées d’obus, des casques, des décorations, un canon, au cas où…
Ceci encore : le RF de la République française ressemble étrangement au RF de Roger Federer, mais je note qu’aucun dignitaire de la Ve République, à ma connaissance, ne s’en est plaint. Ni l’entourage du tennisman d’ailleurs.
N’arrive pas à me débarrasser ce matin de Philippe Didion que je retrouve en-haut de la Montée du Châteauvieux. Fais une photographie d’un salon de coiffure dont l’enseigne semble commémorer l’alliance pakistano-américaine.
Lu dans le Provençal ce matin : Les habitants d’Alba-la-Romaine peuvent être rassurés. Les nouvelles découvertes, révélées par des fouilles préventives, confortent la prestigieuse histoire de leur commune. Celle d’avoir été le chef-lieu du peuple des Helviens au début du millénaire, entre le Ier et le IVe siècle avant J.-C. Je ne peux m’empêcher de penser avec émotion à tous ces collégiens et lycéens, à tous ces enfants en vacances condamnés à écouter sagement les explications des bénévoles de l’association Mosaïques Archéologie et invités tout bientôt à visiter le nouveau musée d’archéologie qui verra le jour en 2013.
Deux jeunes hommes parlent sur la terrasse du Bar de la Bourgade de leurs belles heures, à deux pas. Un maigre et un gros, sans être en mesure de déterminer s’ils sont d’anciens prisonniers qui ont payé leur peine, des malfrats en cavale ou des gardiens de prison. Ils sont quoi qu’ils en soit admirables, ils se passent un pétard, s’échangent leurs souvenirs à voix basse. L’un boit une bière, l’autre un café. Quelques indications m’assurent qu’ils ont été un certain temps derrière les barreaux. L’un d’eux se lève enfin et va payer au bar, je penche alors pour d’anciens prisonniers qui ont purgé leur peine. Mais faut-il se fier aux apparences ? Je vérifie mon sac, rien n’a disparu.
On monte tous ensemble à Grignan, c’est jour de marché. Fais une visite à Terres d’Ecritures : une correspondance à l’étage, des sous-bois au rez. J’y passe une heure avant de rejoindre Sandra et les enfants, les petites mangent une glace, Arthur a commandé un citron pressé qu’il a rendu imbuvable en ajoutant le contenu d’une fiole d’eau sucrée. Achète à la librairie d’en-haut une biographie de Nicolas de Staël écrite par Laurent Greilsamer, Le Prince foudroyé et Une matin de grand silence d’Eric Pessan que j’offre à Arthur et que je me réjouis de lire avec lui.
Retour à pied par le Chemin de la Rochecourbière, le mistral baisse pavillon, le soleil prend possession de la terre rouge, des lavandes. Les maïs plantés en bordure du Lez ont pourtant du retard, seuls trois ou quatre soleils lèvent la tête dans un champ immense.
Après-midi à la rivière, barrages, gués, pêche, lecture et premier bain d’Oscar. On y reste jusqu’à plus de cinq heures. Je fais à manger. On se rend ensuite Arthur et moi à Valréas pour une séance de cinéma, Spiderman, un scénario que je n’aurais pas signé, même sous un pseudonyme, mais un air vieillot qui rafraîchit.

Jean Prod’hom


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