Il y a eu le levant qui a n’a pas résisté à la poussée du levant, il y a eu la nuit qui a fui et le jour, il y a eu les draps tendus du ciel. La mine ensuite.
Passe à 16 heures une bonne heure avec un collègue pour anticiper ce qui pourrait être ou n’être pas, et nicher là, malgré tout, justement, ce qui pourrait être. On a réussi, je crois, à ne pas nous faire trop d’illusions, induire le maigre nécessaire. On s’est promis de l’entreprendre avec sérieux, sans rien dire, sans nous prendre nous-mêmes trop au sérieux.
Murielle, comme c’est curieux une bibliothèque en fin d’après-midi, comme c’est curieux une bibliothèque sous clef, curieux une bibliothèque vide, une bibliothèque dont on ne voit plus les livres mais le jour promis !
Il est près de 18 heures lorsque je quitte le collège vide, avec le sentiment d’en avoir terminé avec quelque chose dont je sais bien peu.
Au Riau, avant même le seuil, Louise me demande si je devine le résultat du travail que sa maîtresse lui a proposé autour des verbes les plus usés des langues indo-européennes et qui continuent à hanter nos existences : être, avoir, aller, faire et dire, au présent, à l’imparfait et au futur. Je le devine, son sourire la trahit, nous jouons alors un instant au chat et à la souris. Nouvelle chorégraphie autour de son travail d’orthographe, la demoiselle sourit encore, je feins de ne rien comprendre, elle insiste, lui livre alors ma tête sur un plateau. Ce n’est pas tout, elle m’annonce triomphale que son affût a débouché sur l’arrestation de la souris qui courait dans la chambre de Lili, je l’embrasse.
J’entre enfin et prends acte de la fin de la semaine. Maison silencieuse, Arthur devant l’ordinateur, Lili et Mylène dehors dans leur cabane près de l’étang. Je prends la mesure de cette vacance, respire, n’y crois pas.
Descente éclair en début de soirée au Mélèze où le club du Passepartout reçoit son champion du monde. David raconte sa course en Autriche sous l’oeil avisé de Jean-Daniel qui l’a accompagné des années durant jusqu’à ce formidable exploit. Jean-Daniel raconte dans sa langue le contrepoint. On applaudit, la nuit tombe, il fait cru. Tout le monde se met à l’abri, sauf Arthur et moi qui remontons à Corcelles.
Lili et Mylène regardent Shaun le mouton dans les combles, Louise est couchée en chien de fusil, elle écoute des airs de guitare que son maître a enregistrés, je regarde son visage, les yeux fermés, me réjouis d’une relation dont je ne sais rien, de la passion qu’ils partagent. J’aurais voulu occuper la place de l’un, la place de l’autre, une place qui fut mienne à mon insu, je m’en souviens. Comme la vie est parfois bonne !
La souris est morte, Lili et Mylène dansent, il est passé dix heures.
Jean Prod’hom