Souvent le soir, la vieille de Pra Massin fêtait en faisant quelques pas sur le chemin des Tailles ce qu’elle appelait ses victoires, celles d’avoir traversé le jour sans y toucher, d’avoir ramassé quelques fruits, fait quelques pas, rentré du bois ou taillé une haie. Mais comme elle n’était pas dupe, n’ignorait pas que ces victoires ne la mettaient pas à l’abri de leurs poisons, la vieille rejoignait de l’autre côté du jour, du côté de la nuit qui tombe, le clair-obscur de sa cuisine où la paix avait établi ses quartiers et où elle écoutait la radio ou lisait. Et ces victoires et cette paix se confondaient.