Chapelle-sur-Moudon / 18 heures
On racontait qu’ils étaient descendus de l’Aigoual, qu’ils avaient emprunté la collectrice de l’Asclié, passé par Aire de Côte, Bonperrier, Colognac et le col de Bantarde, qu’ils se tenaient dans les creux du Vidourle d’où ils sortaient chaque nuit pour démonter potager, murettes, retourner herbe et maïs.
C’est ainsi que les sangliers nous avaient mis au parfum cette année-là; à l’automne ça sentait de partout: ta terre noire, les antres humides, les nuits blanches et de furieuses envies. Il n’était plus temps de faire le compte des syllabes et de placer la césure, nous avions à faire rouler les pierres de nos architectures; dessous ça grouillait de partout, les vers creusaient des gouffres, on rejetait et contre-rejetait le cul par-dessus tête, on piétinait la chantilly et la rhétorique, on enjambait, bondissait avec, sur les talus, des chapelets de vers luisants et, dans nos mains, une soif, et une immense, folle, insatiable gaieté.