COOP (Oron)

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Depuis quelques années, je remarque que les circonstances ont un effet toujours plus marquant sur l’exercice de ma raison, à tel point que je me demande aujourd’hui si elle ne suit pas scrupuleusement les indications chiffrées que lui transmettent les mouvements de mon corps physiologique et les accidents du temps qu’il fait. J'ai le souvenir qu'adolescent rien ne pouvait m’arrêter lorsque j’avais décidé de légiférer sur le monde, qu’il neige ou qu’il vente, que j’aie bu un coca ou une vodka. Avec le succès que l’on sait.

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De l’air, j’en brasse encore aujourd’hui, mais avec la conscience toujours plus vive de mon inefficacité ; mon attention aux circonstances m’incline désormais à ne pas en faire trop ; un rien m’arrête, m’amène à hésiter, me fait tousser ou me soulève, me remue, colore mon âme, paralyse mon esprit, fait patiner ma raison. Je les laisserai faire aussi longtemps qu’il m’en restera quelque chose, aussi longtemps que le corps qui les a circonscrits sera en mesure de les contenir. Et quand ce que j’ai cru être aussi pointu que l’extrémité de la plus fine des aiguilles se détachera, lorsque le pouce et l’index ne se refermeront plus, j’irai rejoindre l’étendue et la danse émoussée des poussières.
Je voudrais, avant, lever une peur qui grossit d’être contenue dans les filets d’un récit squelettique, je voudrais lever cette peur du mourir ; en marchant, en prenant du retard ou de l’avance, en écoutant et en écrivant de travers. Sans pourtant quitter la partie, comme lorsque je me trouvais le dimanche après-midi, après le repas dominical, étendu sur le canapé du salon, prétendument malade, écoutant les voix bien vivantes des gens que j’aimais et qui m’avaient oublié, comme mort, à l’image des portraits photographiques alignés sur le secrétaire. Un peu à côté, pas même une parabole, un pli, un pli bientôt défait, un pli du côté des vivants.

Jean Prod’hom