Jean-Claude Hesselbarth | La Rivière II

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Des papiers, il y en avait de toutes les qualités. Louis de Jaucourt en dénombre plus de 50 espèces dans l’Encyclopédie dont il énumère le petit nom : Grand-Soleil, Grand-atlas ou Petit-atlas, Grand-Jésus, Petit-Jésus, Petit-royal, Royal et Grand-royal, A la cloche ou A l’écu, Grand-cornet… Plus de cinquante de ces papiers pouvaient être obtenus en cinq qualités différentes : fin, moyen, bulle, fanant, ou gros bon. Les papeteries étaient situées près d’une rivière, à la chute d’un torrent, précise Jaucourt dans l’Encyclopédie.

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Les pattiers amenaient au moulin les chiffes et les nippes, les guenilles et les chiffons qu’ils avaient collectés. Triés pour ne garder que le chanvre et le lin, ils étaient entreposés un certain temps dans un pourrissoir, lacérés ensuite, battus, broyés par des maillets armés de tranchans, brassés avant qu’on ne plonge un châssis dans une cuve pour que le papier s’y fige. Qu’on dessine sur des hardes récupérées ou des vêtements de seconde main ne me déplaît pas, on n’enfile pas un complet-veston à l’atelier.
C’est d’abord le papier, ostie ou page meringuée du Félix Gaffiot, boîte à oeufs qui me remue lorsque je considère l’encre de Chine de Jean-Claude Hesselbarth que j’ai chaque matin sous les yeux. Avant que la petite plume d’acier et le bambou taillé baignés d’encre ne me fassent parvenir le couinement qui a accompagné les outils dans la creuse du lit de ce jeu d’ombres et de lumières intitulé Rivière II (1982).
Un peu moins de 34 centimètres de large sur un peu plus de 50 de haut, comment calculer précisément la largeur d’un rêve ou d’une rivière ? Un peu moins si l’on soustrait les rives qu’envahit l’eau noir de tunnel.
Rivière à la bannière frémissant au vent, lumières, ombres et frondaisons, personne ne sait très bien où commencent et finissent les choses. Blason coupé avec les dents, décousu, on appelle drapeaux les chiffons d’où l’on tire le papier à la cuve. Recommencer, par dessus et par dessous, ronciers, pointes acérées du robinier, bambous, et puis ce flottement du sens et de l’orientation. Il est 10 heures, personne dans les rues, c’est jour de rentrée, jour d’école buissonnière, René est à la rivière.
Ah ! j’oubliais, Jean-Claude Hesselbarth fêtera ses 90 ans l’an prochain.

Jean Prod’hom