Une douzaine d'hirondelles sont alignées

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Le petit matin a découpé les chaînes des Vanils et des Muverans au cutter, sans accroc, en suivant un modèle bien connu au Riau.
J'accompagne les enfants à mon tour, il est 7 heures 30 lorsqu'Arthur monte dans le TL pour Moudon, 7 heures 40 quand les petites prennent le bus scolaire vers chez les Burdet. Je remonte au Riau et emmène Oscar pour une grande boucle, par le refuge de Ropraz, le chemin aux copeaux, la Moille au Blanc où je rencontre au volant d'un tracteur un jeune homme. C'est B. qui est de retour après deux années d'apprentissage dans la campagne fribourgeoise puis bernoise, longues années loin d'ici, dit-il, content de retrouver ses amis. Ça fait désormais deux bras supplémentaires sur le domaine, qu'il dit lorsqu'on se quitte. L'esprit des lieux attendait son retour, ça se voit, pour se poser, sitôt rentré, sur ses épaules, dans ses yeux et le long de son sourire.
Une douzaine d'hirondelles alignées sur un fil font leur toilette, remuées par des mouvements dont elles sont avec leurs voisines à la fois les causes et les conséquences, ode à l'équilibre précaire. S'envolent toutes soudain avant de revenir à plus de vingt, elles reprennent leur pas de deux, étrange ballet sur la corde raide, bientôt quarante avant de disparaître comme un nuage d'étourneaux. Le voyage pour l'Afrique est pourtant encore loin.
J'entends les filles un peu avant midi, elles ont faim. La pause est courte puisqu'elles redescendent à pied jusqu'à l'arrêt de bus, c'est la première fois.
Autre rencontre cette après-midi, celle de François Bon et Jean-Christophe Bailly, ils évoquent avec la voix qui est la leur la persistance de ce qui n'aura jamais été tout à fait, qui non seulement ne disparaît pas de nos paysages mais nourrit encore par après, sans jamais finir, l'énigme qui fait tenir ensemble le tout avec le tout, et nous avec, où qu'on soit. C'est ainsi que se fabrique l'histoire, je crois, l'autre histoire.
L'éphémère laissé pour mort engendre sans compter des rejetons qu'il convient tout à la fois de ramasser et de déposer à l'avant du chemin pour attester d'une voie auprès de ceux qui viennent en second, comme des premiers de cordée, mais aussi pour leur signifier qu'il est encore temps de donner ses lettres à ce qui serait sans cela demeuré dans l'insignifiance.
Des étourneaux font un conciliabule sur l'épicéa de chez Maurice avant de disparaître eux aussi comme un nuage d'hirondelles. Lis avec peine le Plan d'études romand, mes yeux se ferment, je n'y puis rien, trop c'est trop. Rien de bien nouveau dans le fond, mais l'ambition démesurée de vouloir tout dire.
Les filles rentrent et mangent une glace avant de faire leurs devoirs. Elles descendent ensuite au bas du hameau rejoindre une amie. Vais chercher Arthur à l'arrêt TL, content de sa journée, mais avec un chagrin que Sandra devinera lorsqu'elle rentrera, il mange quelques biscuits, écrit un texte pour son blogue qu'il a laissé de côté tout l'été. Les entraînements de trial reprennent à 18 heures, il y va peu décidé mais y va. Je reste seul avec les filles qui ont renoncé à chercher un terrain d'entente et se chamaillent. On mange quand même, vais chercher Arthur à Ropraz, Sandra rentre de Vufflens où elle a participé ce soir au deuxième des quatre cours obligatoires de dressage à Vufflens.
C'était mon deuxième jour au fond de la mine, pas besoin d'imaginer la suite, je la connais, le soleil va se faire rare, il ne faudra pas rater ses rendez-vous.

Jean Prod’hom


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