Je sais que tu penses au petit, à sa mort

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Le tram arrive de la gare à la hauteur de l’hôtel du Nord, le néon clignote. L’inconnu dans l’allée a la tête dans le sac, va et vient sur un damier avec de la sciure dans la tête, s’assied sur un banc sans s’ébrouer. Il va somnoler comme hier et avant-hier jusqu’au soir dans cette embarcation de fortune, à l’ombre d’un platane qui le met à l’abri des restes de lui-même. Son nom est celui d’un étranger, il ne répond pas, ses mains ne lui appartiennent plus, elles demeurent à l’intérieur des manches de son veston rapiécé.
Tenir debout, personne n’y croit plus, car l’homme n’a pas la tête à calculer les forces en présence, il respire sans fil à plomb, se voile la face lorsqu’on allume les réverbères.

Cet homme est un saint, me disais-tu, il séjourne sur un monticule de vertus, les yeux secs, étranger au jeu des questions et des réponses. Il se rend d’une seule traite jusqu’à la tombée de la nuit, se couche sur le paillasson de l’école Cadichon. Le dernier tram revient à l’angle de la place du Centenaire, les réverbères s’éteignent.

Je sais que tu penses au petit, à sa mort.

Jean Prod’hom