LXIV



Depuis qu’il est à la retraite Jean-Rémy tue le temps. Il a fait installer une caméra sur la façade nord de sa maison pour surveiller les allées et venues des hôtes d’un monde qu’il a toujours voulu à sa main.
Chaque matin il sort discrètement de chez lui, se rend à la boulangerie acheter un morceau de pain. Au retour il passe devant chez lui en jetant un regard furtif en direction de la maison vide, admiratif, ému. Il passe une seconde fois, puis une troisième avant de rentrer incognito par la porte de derrière.
Et le soir, lorsqu’il visionne les images du jour, Jean-Rémy se réjouit de l’efficacité de son dispositif. Il se ronge pourtant les ongles chaque soir davantage lorsqu’il voit passer un homme au regard envieux et vitreux, une fois, deux fois, trois fois, un homme qu’il reconnaît à peine, un homme louche qui lui paraît de soir en soir toujours plus suspect.
Depuis ce matin Jean-Rémy est armé.

Jean Prod’hom