Ils avaient moins de vingt-cinq ans

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Ils avaient moins de vingt-cinq ans lorsqu’ils sont arrivés dans le Vaucluse ; en bateau et en train, puis en bus une valise à la main. Ils ont travaillé plus de quarante ans dans les vignes : taille, effeuille, vendange. A la retraite aujourd'hui sur la terrasse du Pagnol, ils ont les cheveux gris, pas de château, pas de famille ; ils boivent un coup, le visage usé et brûlé par le soleil.

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Ils sont trois et ne se ressemblent pas, suivent du regard sans vraiment les voir les amateurs de la brocante de Valréas. Qui ont eux la peau rose, claironnent casquette ou chapeau de carnaval sur leur crâne rond, chemise à fleurs ou Lacoste sur le dos, cadres ou bobos.
Il a fait sec à Casablanca, 40 degrés à Fez, ils ne s’y rendront donc pas cette année. Ce matin, le mistral a laissé la place au vent d’ouest qu’ils ont à la bonne, café serré et verre d'eau, on se roule une cigarette.
On a parlé à l’ombre d’un platane, oh pas beaucoup ! et sans faire de bruit, surtout ne déranger personne ; on s’est souri en un sabir nourri d'arabe et de français du Jorat, avec la curieuse impression d’être du coin – l’un d’eux a travaillé autrefois dans le Jura –, satisfaits des maigres liens qui nous ont fait tenir côte à côte, loin des coups fourrés que se jouaient vendeurs et clients autour de ce foutripi descendu des combles ou remonté des caves qui trônera bientôt sur le buffet du salon.

Jean Prod’hom