Dans l'air de ses lacunes le dehors absolu

Capture d’écran 2012-11-17 à 11.57.51

Enveloppé d’un manteau de laine l’homme avance contre le vent avec un éclair dans la main, il allume sur son chemin des brassées d'herbes sèches, la nuit, la pluie, les bois. L’homme, qui a un jeu de quilles dans la tête, marche en cadence, il bat le grain de ses pensées molles, les scande, cueille enfin les deux mots qui restent dans son tamis, il entend alors derrière le terrain vague qui jouxte la route détrempée un ou deux trois fois rien, c’est un poème qui s’éloigne, l'esquisse d'un chant aimable et funèbre.

P1130854

Il est assis près de la baie vitrée d’un bistrot enfumé, dehors la pluie redouble, il se met a l'ouvrage, soupèse les mots qu’il a retirés du caniveau et qu’il ressasse, en note d’autres qui viennent du bar, du patron et des rares clients, quelque chose se forme, peut-être une image, un fragment qui a l'ondoiement du cou du cygne. L’inconnu retire encore quelques aspérités sous la lumière crue de l’ampoule, prend garde que la menuise ne vienne pas obstruer les vides dans lesquels le chant se réveille, comme une résurgence lointaine d'un très ancien cours d'eau. L’homme taille encore sans se soucier de la beauté, comme s’il s’agissait d’un souvenir ou un poème qui ferait entendre par l'ouverture qu'il ménage et dans l'air de ses lacunes le dehors absolu.

Jean Prod’hom


P1130847 P1130850