Vivre un peu coupables

Capture d’écran 2016-04-23 à 18.21.31

Ce qu’il gagne, un autre le perd. Si bien qu’en acceptant le legs de ceux qui l’ont précédé, l’homme est amené à faire une petite place à la culpabilité. Difficile de se débarrasser de cette invisible pièce du droit successoral, tant mieux.

DSC01108 19.36.01

Car si elle recèle l'inconvénient de disqualifier certains événements de nos vies, de faire tousser et de nous condamner à réparer l’irréparable, elle a l’incontestable privilège de nous laisser entendre qu'il aurait pu en aller autrement, de doubler notre existence et de mettre à notre disposition une autre rive, d’où interroger et resserrer la succession de nos jours.
Elle pourrait, à certaines conditions, enrayer la marche triomphale de la machine libérale, suspendre le pas de l'oie au rythme duquel se met en place, à ciel découvert, un système concentrationnaire en stabulation libre, sur le pont d’un vaisseau à la dérive, sans nom, sans armateur déclaré, ni capitaine ni pilote.
A défaut d’une double vue, il nous reste à penduler entre innocence et culpabilité, à vivre un peu coupables. Redevenir responsables de nos actes, là où on travaille ; renouer avec le bon sens, là où on agit ; désobéir, un peu naïvement, à ce qui nous éloigne de cet Eden dont nous avons été chassés il y a très longtemps, et dont le progrès chanté par les Lumières aurait dû nous rapprocher.

Jean Prod’hom